Rodrigo BARROS GEWEHR : L’idée de Dieu chez Freud et Jung

2015, Paris, Ed. L’Harmattan, Coll. Etudes Psychanalytiques – IBSN : 978 2 343 058 450

Le titre nous renvoie d’entrée de jeu à la psychanalyse. Le jeu ? Un questionnement en profondeur de ce chercheur universitaire sur les approches, qui furent celles de nos deux grands psychanalystes, de l’idée de Dieu, fait culturel au cœur des civilisations, puisque l’athéisme n’en est qu’une expression. Bien d’autres auteurs de diverses disciplines, l’abondance de la bibliographie en témoigne, sont également convoqués pour asseoir l’étude du phénomène religieux, dans une optique d’investigation, de confrontation et de regard critique. Ce livre est donc d’une remarquable richesse. Si riche d’ailleurs qu’il est difficile d’en rendre compte car nous allons d’analyses de textes en interrogations sur leurs affirmations et leurs variations, d’approfondissement en approfondissement de la pensée, des prises de positions personnelles en perspectives de réflexions ultérieures.

Le noyau de cette recherche est "la nature du psychique examinée attentivement à partir de l’idée de Dieu". Tout en sachant dès le départ que l’inconscient en grande partie nous échappe, ce que reflète le principe de transcendance, et que les conditions de la connaissance sont à considérer longuement, entre objectivité, subjectivité et leur imbrication.

L’idée de Dieu est d’abord travaillée en tant que telle : structure et fonction des phénomènes religieux, définition du sacré, notion d’opérateur logique en lien avec les problèmes ontologiques. Elle est ensuite recherchée dans l’œuvre de Freud à travers les approches systématiques de la religion, le rôle de l’histoire comme support empirique, l’Oedipe et surtout une longue étude de Totem et Tabou, révélatrice de ce que peut nous apprendre ce livre sur les positions de son auteur.

Tout naturellement vient ensuite le chapitre consacré à l’étude de Dieu chez Jung, dont on nous dit d’emblée que ce "n’est pas une mince affaire". C’est principalement dans ce chapitre que l’on trouvera des informations sur "l’impasse éthique et théorique" où se sont finalement trouvés Freud et Jung, suite et aboutissement de leur désaccord ontologique premier. Mais l’impasse n’a jamais été faite dans cet ouvrage sur les ponts entre leurs théories et leurs problématiques respectives. Pour ce qu’il en est de la pensée jungienne, nous trouverons tous les développements détaillés qu’appellent les concepts que nous connaissons : synchronicité, inconscient collectif et archétypes, numineux et autonomie de l’inconscient, unus mundus autrement dit unité foncière de la vie.

La question de Dieu – « signifiant glissant » – étant ce qu’elle est, le dernier chapitre traite des lignes de fuite repérables chez nos deux protagonistes, celles-ci étant elles-mêmes des glissements vers plus ou moins de certitudes. Plusieurs pages étudient chez Freud le concept de surdétermination et c’est l’autonomie relative de l’inconscient qui est envisagée chez Jung : « instance inconnue en essence, voire inconnaissable » sans méconnaître que « il a des choses à dire, il porte en soi des connaissances ». Les correspondances entre les approches freudienne et jungienne ne sont pas minimes, mais les divergences l’emportent : d’un côté matérialité et inconscient phylogénétique, de l’autre universalité et inconscient collectif.

Cet ouvrage : une recherche intellectuelle minutieuse, raffinée sur une « réalité indomptable » comme l’écrit l’auteur.


Publié par Dufour Micheline le 22 février 2017 dans Recensions de livres